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Photo du rédacteurAbbé Alain René Arbez

La théologie de la guerre


POSTURES DE FOI FACE AU CONFLIT

L’abbaye de St Maurice se situe en Suisse, dans le canton du Valais. Sans interruption depuis 1500 ans, les religieux se sont succédé dans ce lieu de culte chrétien pour honorer la mémoire de Maurice, officier de la légion romaine composée d’Egyptiens en garnison. Les faits historiques survenus en 303 et attestés par l’archéologie se sont déroulés durant le règne de l’empereur Dioclétien, grand persécuteur de chrétiens. Ce dernier avait envoyé une légion romaine pour réprimer une révolte en Gaule et éradiquer des communautés de chrétiens.

Le commandant de ce régiment, Maximien Hercule, décida d’organiser un sacrifice au dieu Jupiter dans la ville d’Octodurum (Martigny) et de raser le village chrétien d’Agaune. Maurice, officier de la légion, était lui-même un chrétien fervent. Comme d’autres chrétiens au tout début du 4ème siècle, il refusait le culte aux idoles et la divinisation du pouvoir impérial cautionnant ses décisions arbitraires. Lui et un grand nombre de ses compagnons firent donc opposition à cet ordre de massacre, ce qui provoqua la fureur du commandant. En représailles, Maximien décida d’exécuter un soldat sur 10 dans la légion, puis n’ayant finalement obtenu aucun résultat, il fit massacrer les 6600 hommes de ce régiment thébain solidarisé avec Maurice dans le refus imparable de ce crime collectif. En effet, une majorité de soldats étaient chrétiens. Maurice résuma ainsi la situation, selon l’évêque Eucher de Lyon : « Nous sommes tes soldats, ô Empereur, mais avant tout, des serviteurs de Dieu ! Nous te devons l’obéissance militaire, mais nous devons à Dieu la force de l’innocence. Mieux vaut, pour nous, mourir innocents, que vivre coupables ».

Les restes des martyrs furent rassemblés au pied du rocher d’Agaune et un mémorial funéraire fut édifié sur place par saint Théodore en 370. Un monastère fut ensuite fondé en 515 par St Sigismond sur ce lieu de témoignage autour du culte de St Maurice avec une prière dès lors ininterrompue à nos jours.

Dès la période apostolique, les disciples de Jésus eurent à cœur de respecter le commandement « tu n’assassineras pas ». Jusqu’à l’avènement de Constantin, les chrétiens furent durement persécutés dans tout l’Empire, mais ils n’organisèrent pas de révolte armée pour contrer les massacreurs. Après St augustin, voici que des hordes venues du Nord, les Goths, les Vandales, les Alains se mirent à déferler, et cela posait un problème de conscience aux chrétiens. Allait-on dire aux populations christianisées qu’il fallait laisser exterminer les femmes, les enfants, les vieillards sans réagir ? Une théologie de la guerre se développa avec des nuances fondamentales : on ne confondrait pas guerre de conquête et guerre de défense. Les agressions armées pour opprimer des peuples n’avaient aucune légitimité, mais lorsqu’il s’agit de sauver des vies, de délivrer des otages, le droit naturel est celui de la légitime défense, qui n’est pas qu’un droit, mais un devoir. Au cours des périodes conflictuelles du Moyen Age, l’Eglise instaura des trêves ayant pour but de laisser aux combattants des espaces de motivation par la prière. Il s’agit de se ressourcer spirituellement pour mettre au point une défense efficace face aux assaillants.

Dans le même esprit, lors que les Turcs revinrent à la charge au XVI ème s. pour envahir les pays européens, le pape Pie V organisa non sans peine la sainte ligue, regroupant des forces d’Espagne, de Malte, de Savoie, de Venise et de Gènes afin d’affronter l’envahisseur musulman. Il est attribué à ce pape une prière à Dieu lui-même en ces termes : « Seigneur, nous allons devoir tuer des hommes dans cette guerre, mais pour arrêter l’agression dont nous sommes victimes, il nous faut défendre notre civilisation, préserver les valeurs de la chrétienté, protéger les femmes, les enfants, tous les habitants menacés ».

A la bataille de Lépante, l’affrontement entre les navires ottomans et chrétiens fut redoutable, mais malgré les apparences au départ négatives, la sainte coalition (à laquelle la France amie de la Sublime Porte avait refusé de prendre part) remporta la victoire.

Les Turcs refluèrent, l’Occident fut épargné.


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