Pentecôte ou Chavouot
- Richard Pittet
- il y a 6 jours
- 4 min de lecture

Pensée en ce lundi de pentecôte
Aujourd'hui, les chrétiens célébrent la Pentecôte. Mais d'où vient cette fête ? Dans la théologie chrétienne, elle commémore la réception et le baptême du Saint-Esprit par les disciples du Rabbi Yeshoua, 49 jours après sa crucifixion. Pour les chrétiens, cette fête est l'événement fondateur de l'« Ecclesia », le mot qui donnera naissance au terme français « Église ». Certains la considèrent même comme l'événement le plus extraordinaire de l'histoire, éclipsant tout ce qui aurait pu le précéder.
Pourtant, la Pentecôte est une fête éminemment juive, comme d'ailleurs toutes les fêtes célébrées par les chrétiens, à l'exception de celles liées à Marie chez les catholiques. La Pentecôte en grec, c'est Chavouot en hébreu. C'est une fête très importante dans les communautés juives, car elle commémore le don de la Torah aux hommes et particulièrement au peuple juif. En recevant cette Torah, le peuple juif a également acquis son statut de nation sainte, de royaume de sacrificateurs.
Cet appel est étroitement lié à la promesse d'une terre où cette gouvernance sainte pourra s'exercer. Pendant Chavouot, qui clôture la fête de Pessah, d'importants sacrifices étaient offerts, ce qui témoigne de son rôle. C'était également la deuxième fête de pèlerinage, obligeant tous les hommes à se rendre à Jérusalem, conformément à la convocation de Dieu exprimée dans le livre du Deutéronome.
Les disciples de Yeshoua étaient à Jérusalem et attendaient un événement que leur Maître leur avait promis. Il se trouve que, pendant cette attente, la fête de Chavouot arriva. En bons juifs, les disciples la célébrèrent en souvenir du don de la Torah au Sinaï, en obéissant aux prescriptions d'usage, notamment en veillant toute la nuit pour étudier et méditer cette Torah tant aimée et respectée.
Ce n'était pas la première fois qu'ils la célébraient. Le livre des Actes raconte que ce matin là, à la surprise de tous, un événement miraculeux se produisit : un souffle violent, un bruit, des flammes de feu. Les disciples se mirent à parler des langues qu'ils ne connaissaient pas, ce qui ne manqua pas d'attirer tous les autres juifs qui avaient veillé dans Jérusalem pour la fête.
L'un des disciples, Pierre, prit la parole, car il associa l'événement à la promesse qu'ils devaient attendre : « à la fin des temps, je répandrai mon esprit sur toute chair ». Chavouot est une fête des prémices de la moisson. Pierre interpréta donc que cette effusion de l'Esprit n'était qu'une annonce d'une effusion plus grande, mais que ce qu'il vivait était une étape importante qui s'inscrivait dans les paroles du prophète Joël. Dans le monde évangélique, nous croyons aussi y voir l’accomplissement des paroles du prophète prophète Jérémie (31:33) :
Mais voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël, après ces jours-là, dit l'Éternel : Je mettrai ma loi au-dedans d'eux, je l'écrirai dans leur cœur ; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
La Torah n'a pas seulement été donnée sur des tables de pierre ; elle est maintenant inscrite dans le cœur de son peuple par le Ruah HaKodesh (l'Esprit Saint).
La Pentecôte chrétienne n'existe donc tout simplement pas sans Shavouot chez les Juifs. La Torah, écrite sur les pierres, puis sur des parchemins, s'est ensuite inscrite dans les cœurs.
Pouvons-nous décemment vivre la Pentecôte en occultant Chavouot ? Pouvons-nous être indifférents à ce que célèbre le peuple juif et qui est l'ancrage terrestre sur lequel nous construisons notre espérance spirituelle en tant que chrétiens ? La foi chrétienne, à travers l'histoire, a fait une sorte de tabula rasa en instaurant Pâques et la Pentecôte en dehors du calendrier hébraïque. Ce faisant, la chrétienté a effacé le sens profond de ces fêtes, qui parle de la relation entre Dieu et l'humanité à travers un peuple, le peuple d'Israël.
Elle a également tenté de spolier la fête pour en faire une fête nouvelle qui ne s'inscrit que dans l'histoire de l'Église, occultant le fait que ce sont des Juifs, célébrant une fête juive, qui furent les premiers bénéficiaires, ce que nous croyons être la promesse que Dieu avait faite à son peuple Israël : « Voici l'alliance nouvelle que je conclurai avec Israël. »
Si je crois profondément à la réalité de l'expérience du baptême de l'Esprit, je me pose la question de savoir si nous comprenons les raisons pour lesquelles Dieu répand sur un prémisse d’humanité ces dons et cette puissance. Comprenons-nous que cette puissance divine est au service de son peuple, qu'elle est donnée non pour sa gloriole personnelle, mais pour œuvrer au service des hommes, et particulièrement au service des bénéficiaires légitimes : le peuple d'Israël ?
Le peuple d'Israël vit aujourd'hui les temps les plus sombres de son histoire depuis la Shoah et se retrouve bientôt seul dans son combat contre l'inhumanité du Hamas et de ses sbires. Le 21 mai dernier, le peuple d'Israël s'est réjoui de recevoir la Torah et il est reconnaissant de l'avoir apportée au monde qui, aujourd'hui, la refuse.
Ne pouvons-nous pas aujourd'hui célébrer la Pentecôte en portant dans notre cœur le peuple par qui nous avons tout reçu, afin de prier et de les aider à garder l'espoir face à un avenir qui s'assombrit ? Serons-nous lumière d'espoir pour eux, leur rendant ce que nous avons reçu de la main même de leurs ancêtres ?
Aurons-nous en ce lundi de Pentecôte une pensée pour ce peuple et sa nation, en les bénissant et en appelant la grâce, la protection et la force sur eux, pour qu'ils trouvent le courage d'aller au bout, afin de retrouver leurs otages et d'accéder à la paix avec la fin de cette guerre aux multiples front.
Magnifique texte. Merci.