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Réflexions sur le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923

Photo du rédacteur: Bat Yé'orBat Yé'or

Dernière mise à jour : 26 juil. 2023

Cet article est une adaptation de la Préface de Bat Ye’or à l’ouvrage de David Elber, Il Mandato per la Palestina, Le Radici Legali Dello Stato di Israele, Livorno, Salomone Belforte, 2022.

Le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923 met fin à la guerre de 1914-18 déclenchée par trois empires alliés : l’empire allemand, l’empire austro-hongrois et l’empire ottoman. Déployée sur trois continents où pour la première fois des armes de destruction massive furent utilisées, elle causa d’immenses pertes humaines tandis que dans l’empire ottoman des massacres de type génocidaire organisés par l’Etat furent perpétrés contre des populations civiles chrétiennes indigènes. Dans le contexte des traités de paix on peut distinguer ceux menés en Europe qui libéraient des peuples de la domination des empires vaincus, et d’autre part, la situation politique particulière qui prévalait dans l’empire ottoman.

Là, peu de peuples indigènes avaient survécu aux conquêtes islamiques qui avaient fondé des empires arabo-musulmans (omeyyade, abbaside, mamlouk, ottoman) et effacé les frontières historiques, notamment dans les vastes étendues dépeuplées de la Mésopotamie, de Syrie et du Moyen-Orient. Dans ces régions le sultanat ottoman, héritier des précédents empires, avait, dès la fin du XIXe siècle, dirigé et fixé des centaines de milliers de colons musulmans. Ceux-ci fuyaient les anciennes possessions ottomanes dans les Balkans : Grèce, Serbie, Bosnie, Roumanie, Bulgarie, où se reconstituaient les anciens-nouveaux Etats chrétiens récemment libérés du joug turc. Simultanément dès 1887 le sultan avait interdit aux juifs exclusivement, même ottomans, d’immigrer en Terre sainte. Ces conflits ethnico-religieux avaient aggravé la répression turque durant la Première guerre mondiale contre les communautés chrétiennes et juives de l’empire. L’ouvrage de David Elber mentionne les études démographiques contemporaines qui tiennent compte de ces reflux islamiques importants venus d’Europe, des régions maghrébines colonisées par la France (Algérie, Tunisie) et de l’Est russo-asiatique (Crimée, Transcaucasie). Le sultan dirigeaient ces masses de muhajirun (émigrants) qui se déplaçaient en tribus avec femmes et enfants, dans les régions peuplées de chrétiens et de Juifs afin de les neutraliser. Ces mouvements démographiques s’accentuèrent dans ces régions avant, pendant et après la Première Guerre Mondiale.

Dans les traités de paix avec la Turquie, les puissances victorieuses, notamment la France, l’Angleterre et les Etats-Unis prirent diverses dispositions relatives aux territoires de l’empire ottoman. Celles-ci intégraient le principe d’autodétermination des peuples libérés par les victoires de l’Entente du joug turc, édicté dans les Quatorze Points établis par le Président américain, Woodrow Wilson.

C’est dans ce contexte que les principes fondamentaux de légitimation d’une nation juive furent établis. Ces principes invoquent : 1) les critères du concept de nation (langue, civilisation, histoire), et 2) la connexion historique d’un peuple avec son territoire.

Ce sont ces deux principes qui justifièrent le concept de National Home pour la nation juive en Palestine – Eretz Israel – et l’établissement d’un Mandat pour en assurer la réalisation compte tenu des génocides régionaux jihadistes qui eurent lieux contre les Grecs, les Arméniens et les Assyro-Chaldéens dès 1915. Notons ici que le concept de nation territoriale est étranger à l’islam traditionnel qui ne reconnaît que celui d’oumma islamique.

Le préambule du Mandat sur la Palestine affirme que la reconnaissance de ces principes justifie la reconstruction d’une nation juive sur ce territoire. Elber précise, à juste titre, que le mot Palestine fut créé par les Romains et qu’il n’y eut jamais sous la domination islamique ni d’Etat arabo-musulman ni d’ethnicité palestinienne. D’ailleurs le mot est absent du Coran bien que ce livre assigne une origine islamique aux personnages bibliques.

L’ouvrage de Elber examine la conception et l’organisation du Mandat sur la Palestine et les devoirs de la puissance mandataire. Celle-ci, la Grande-Bretagne, reçoit un Mandat de la Société des Nations pour réaliser l’indépendance du Foyer national juif conformément à l’Article 22 du Pacte de la Société des Nations, article qui confirme le principe d’autodétermination des peuples. Certes, certains Etats, notamment la France, le Vatican et l’Italie, exprimèrent leur forte opposition à la Déclaration Balfour, c’est-à-dire au droit du peuple juif de reconstruire un Etat souverain dans sa patrie historique.

Ce point finalement accepté par les Puissances de l’Entente, il fallut déterminer sur la carte le périmètre géographique d’un pays qui avait cessé d’exister depuis deux mille ans et définir les prérogatives du Mandat pour la réalisation de ses objectifs : la restauration dans sa patrie historique du peuple hébreu.

Dans les chapitres suivants Elber étudie les différentes catégories des mandats internationaux régissant les anciens territoires des pays vaincus entre 1919 et 1926, les charges dévolues à la Puissance mandataire, les obstacles et nombreuses péripéties qui accompagnèrent la création et l’organisation des Mandats, notamment celui de la Palestine. Il note que la propriété des territoires ex-ottomans mis sous Mandats internationaux est détenue par les Puissances victorieuses, la France et la Grande-Bretagne, l’ex-possédant, la Turquie, y ayant renoncé par les traités de paix de 1920 et 1923. Cette propriété toutefois est limitée par la durée du mandat et ses obligations.

La conférence de San Remo (19 avril 1920) fut décisive pour la création des Mandats internationaux de catégorie A dans les ex-provinces de l’empire ottoman : Liban, Syrie, Palestine, Transjordanie et Mésopotamie (Irak). La résolution finale de cette conférence conférait à la communauté internationale l’exécution des deux principes constitutifs du Mandat sur la Palestine : 1) l’article 22 de la SdN (reproduit en annexe dans le livre) et la réalisation de la Déclaration Balfour d’abord intégrée dans le traité de Sèvres avec la Turquie (art.95) puis dans le Préambule définitif du Mandat britannique sur la Palestine (1922) et confirmée par le traité de Lausanne en 1923.

Ainsi fut confirmée par la Société des Nations dans la loi internationale, la légitimité de la souveraineté nationale du peuple juif. Cette consécration fut signée par 50 Etats représentés par la Société des Nations (SdN), organisme créé en 1919 à l’issue de la Première Guerre mondiale. Le Mandat sur la Palestine fait partie de l’ensemble des traités de paix internationaux qui mettaient fin à l’état de belligérance entre les pays en guerre par des accords entre vaincus et vainqueurs.

La Grande-Bretagne qui avait obtenu la propriété provisoire de la Palestine liée à l’obligation d’y créer les conditions nécessaires à la réalisation du Foyer National juif, en ôta 80% du territoire allant du Jourdain à sa frontière orientale pour en faire un pays exclusivement arabe, la Transjordanie fermée à la présence juive. Cette décision contraire aux stipulations du Mandat fut néanmoins admise en septembre 1922 par la Société des Nations comme une division de la Palestine en deux Etats, l’un arabe et l’autre juif.

Malgré cela, les oppositions nées des intérêts divergents, de l’antisémitisme mais aussi et surtout de l’espoir de désamorcer l’hostilité musulmane dans les régions arabo-musulmanes nouvellement colonisés par la France et l’Angleterre – pavèrent la voie vers Auschwitz. Car la restauration d’Israël n’est pas seulement d’ordre politique mais déborde dans le champ religieux pour un christianisme qui fit de la destruction du peuple juif dans sa patrie et de son errance obligatoire dans l’esclavage et l’avilissement de l’exil, la preuve triomphale de sa supériorité. C’est ainsi qu’il faut comprendre la réponse de Clemenceau à Weizman lors de leur brève rencontre quand l’homme d’Etat français qui fut dreyfusard lui déclara : « Nous chrétiens nous ne pouvons pardonner aux juifs qui ont crucifié le Christ. ». Cette remarque de Clemenceau est toutefois totalement injustifiée car un mouvement chrétien de rapprochement avec le judaïsme et prosioniste existât toujours. La preuve en est que des Etats chrétiens reconnurent officiellement et légalement la légitimité d’un Etat juif dans sa patrie en 1923.

Si pour les chrétiens la libération nationale d’Israël dans sa patrie annulait la théologie du rejet divin, du déicide et du remplacement, comme le souhaitaient tant de chrétiens mais, en revanche, prêché encore par le Vatican et les Eglises orthodoxes – pour les musulmans, la souveraineté d’Israël récusait le Droit théologique du jihad qui ordonne la suprématie islamique sur toute la planète. Ce fut de ce noyau avec ses relais en Europe et aux Etats-Unis, dans les colonies musulmanes françaises et britanniques jusqu’aux Indes et au Pakistan, que se forgea et se répandit la guerre antisioniste qui traversa tout le XXe siècle unissant l’euro-nazisme et l’islamo-nazisme et dont la Palestine islamo-chrétienne fut l’inspiratrice et le fruit.

L’encre des traités n’était pas encore sèche que déjà des fonctionnaires anglais opposés à l’Etat hébreu, pactisaient avec les éléments arabes locaux ennemis. Dans le creuset des décennies suivantes, obstacles et trahisons bloquèrent la réalisation des promesses. L’émergence du fascisme et du nazisme auxquels adhérèrent les chrétiens et les musulmans arabes de Palestine et d’Orient, et les attaques du terrorisme arabe anti-juif contraignirent la Grande-Bretagne à adopter une politique pro-arabe contraire aux engagements du Mandat.

Le Traité de Lausanne de 1923, n’entérinait pas seulement l’indépendance d’un Etat hébreu, mais aussi celle de nombreux pays arabes nés de la parcellisation de l’empire ottoman. Il trahissait néanmoins les promesses faîtes à San Remo aux chrétiens de Mésopotamie (Assyro-Chaldéens), aux Arméniens décimés par un génocide et aux Kurdes. Dans ma saga romanesque sur cette époque, Bien-aimés les souffrants3, je décris les événements de la Première Guerre Mondiale dans Elie (tome 2), et notamment le grand espoir brisé des chrétiens dans l’empire ottoman en guerre et leur abandon par les Puissances occidentales qui les sacrifièrent au ressentiment de leurs sujets musulmans pour garder leurs colonies. C’est dans ce contexte que s’inscrit la trahison d’Israël dans la Shoah et la politique antisioniste occidentale après la Deuxième guerre mondiale.  

Bat Yé'or a publié trois romans qui ont pour contexte cette période de l'histoire et qui évoquent les temps de douleurs des minorités sous l'empire ottoman.

Moïse, Élie, Ghazal aux éditions "les Provinciales"




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